Georges Braque y repose. Claude Monet y a installé son chevalet. Suspendue au-dessus de la mer, l'église de Varengeville et son cimetière marin fait partie de ces lieux magiques qui nous marquent.  

- C'est encore loin ce cimetière marin, papa ?
- Non ma chérie, un petit kilomètre, c'est tout.

Pour ma fille Julie, comme pour tous les enfants de 7 ans, c'est plus fort qu'elle : il faut qu'elle pose la question. Mais, une fois n'est pas coutume, j'ai réussi à l'intriguer en lui promettant un cimetière marin (« Marin ? Comme la petite sirène? ») : sans doute est-elle en train d'imaginer une église et un cimetière en forme de navire, voguant sur les eaux, toutes voiles dehors...

On a quitté Dieppe, garé la voiture à Varengeville-sur-mer, et l'on marche sur cette petite route de l'Église passant par le parc du Bois des Moutiers (où il faudra aller un jour, on m'en a tant parlé...). Devant moi, ma femme Clara et Julie, qui trotte d'un talus à l'autre pour cueillir des fleurs. Cette route a quelque chose d'apaisant : un chemin vers la tranquillité, 1,4 km de marche vers la quiétude.

Et puis l'église apparaît, ceinte d'un petit mur.
Quelques pas encore, et tout le tableau se dévoile : vue sur le cimetière, l'église, les prés et la côte de falaise, la fameuse côte d'Albâtre.
Même Julie, d'habitude une vraie pile électrique, s'est calmée et, un instant, pose sur ce panorama un regard apaisé...

Symphonie de couleurs

Voilà ce que cherchait Claude Monet, en installant son chevalet ici, ça saute aux yeux : la symphonie de la lumière et des couleurs ! Ce qu'il cherchait, c'est la note juste, c'est l'accord parfait entre le lieu, la couleur et la lumière.
Et je crois bien que la lumière juste du cimetière marin de Varengeville-sur-mer, c'est celle d'aujourd'hui. Celle d'un dimanche ensoleillé de janvier. Soleil bas, d'une brillante froideur. Soleil dur des mois d'hiver.

Pour les couleurs, il n'y a qu'à se laisser porter dans cette composition : bleu pâle du ciel s'amalgamant à l'horizon avec le bleu-vert de la Manche, réponse des prés d'un vert intense, d'un vert profond et humide. Et la falaise, véritable palette : craie blanche et mousseuse, striée de filons de silex comme des coups de crayons nerveux... Et puis ce marron de terre, répandu par les ruisseaux qui coulent de la falaise, comme si l'on avait voulu éviter l'éclatante blancheur, trop évidente et trop facile, des falaises anglaises.

Clara, qui devine mes pensées :
- Eh oui, le pays de l'impressionnisme, c'est ici ! me dit-elle en allant vers le cimetière.

Ma fille, toute à ses réflexions :
- Dis papa, elle va glisser dans l'eau, l'église ? Hein ?
Moi, quand ma fille me pose une question, je sais toujours quoi répondre :
- Euh... peut-être... je ne sais pas, va demander à ta mère...
Une église qui glisse dans l'eau ?? Qu'est-ce qu'elle va encore me chercher ?
Je n'avais pas fait attention mais c'est vrai que c'est en pente, en fait ! Église et cimetière sont posés sur un plan incliné, comme aimantés vers la falaise, vers la mer...
Trop tard : Julie a filé comme une flèche et tire déjà la manche de sa mère à l'entrée du cimetière.

Célèbres et anonymes

C'est Clara qui fait la visite commentée et indique ici la tombe de l'écrivain Georges de Porto-Riche, ami de Marcel Proust, là celle du compositeur Albert Roussel (dont la tombe ornée de bas-reliefs évoquant l'Inde vaut le détour), plus loin celle du peintre symboliste Jean-Francis Auburtin et, bien sûr, celle, arborant un oiseau étoilé en mosaïque, du peintre cubiste Georges Braque.
Ce cimetière, c'est un salon où reposent célébrités et anonymes, Parisiens et Varengevillais, réunis dans la discrétion : pas de tombe monumentale, prétentieuse ou rococo dans ce petit Père-Lachaise de bord de mer.
- Au moins, ici, les tombes des grands hommes n'écrasent pas celles des gens normaux, murmure Clara.
- Il faut savoir s'étendre, sans se répandre, en quelque sorte.
- Qu'est-ce que tu es bête, me répond-elle dans un demi-sourire.

On n'entre pas dans l'église par le porche du XVIe siècle, mais par une porte de côté. On ouvre : rai de lumière. On referme : obscurité. C'est décidément ce jeu de la lumière, de l'obscurité et des couleurs qui commande tout dans cet endroit.
À gauche, des projecteurs illuminent une toile de Michel Ciry, un Christ roux à la peau translucide, sur un fond bleu ténébreux.
De la porte, on s'éloigne, et on se retourne : flash aveuglant des vitraux d'Ubac et de Braque ! Jamais vu des vitraux si puissants. Vrais bleus, vrais rouges, vrais jaunes. Des couleurs absolues créées par la lumière.

Ombres et lumières

Alors que je suis tout à mon vertige de couleurs et de lumières, Julie, plantée devant une colonne sculptée de bas-reliefs, me lance :
- Pourquoi il vomit le bonhomme ?
Hein ? Qui vomit ? Dans une église ? Elle doit se tromper...
- De quoi tu parles, Julie ?
- Là, le bonhomme, il vomit...
- Mais non, voyons... Ah oui. Tu as raison, il vomit. Euh, eh bien, il a dû manger trop de bonbons sans doute...
Ma femme prend aussitôt le relais :
- C'est parce que le cimetière et l'église parlent de la mer. Tu te souviens, on t'a dit que c'était un cimetière marin. Là, c'est sans doute un pêcheur qui a mangé trop de coquilles Saint-Jacques, ou alors peut-être qu'il a le mal de mer.
- Comme papa quand on a pris le bateau ?
- Oui, comme papa quand on a pris le bateau à Fécamp, exactement.
Moi, je prends un air détaché pour garder une contenance devant ma fille, et adresse un signe de tête à ma femme - merci Clara - qui sourit narquoisement.
- Viens Julie, ressortons, je vais te montrer : toute l'église tourne autour de la mer, tu vas voir, les murs sont en galets.

Quelques pas encore dans l'église. Sur le mur, une pierre tombale, marquant probablement l'emplacement d'une tombe dans l'église. Ce n'est pas, comme on s'y attendrait, un prince ou le seigneur du lieu, mais un couple de laboureurs des alentours, morts en 1634. Toujours, cette modestie. À gauche de l'autel, un petit couloir, et, caché à dessein j'imagine, comme une œuvre de recoin : un vitrail magistral de retenue, de Jean Renut, un artiste contemporain dieppois. Vitrail dans son plus simple appareil : un fond blanc opaque, légèrement lumineux comme un jour de brouillard, et une tâche, une brûlure sombre qui évoque la forme d'un christ en croix. L'art du vitrail ramené à sa plus extrême définition : un négatif photographique en noir et blanc, un langage de lumières et d'obscurités...

Dans la valleuse, la cabane de Monet

À peine suis-je sorti de l'église que Julie bondit et me crie :
- On va voir la mer ? Il y a un chemin par là !
En effet, une valleuse descend vers la mer, à gauche après le cimetière.
Des panneaux explicatifs montrent le travail de Claude Monet, à Varengeville-sur-mer, qui a exécuté ici plusieurs toiles, dont La Cabane des douaniers.

Cette cabane n'existe plus aujourd'hui, mais une charpente de bois en forme de maisonnette sans mur ni toit, comme un chalet orange sur la falaise, rappelle cette œuvre lumineuse.
- Julie, Clara ! Si vous montiez dans la cabane, on pourrait faire une belle photo, comme le tableau de Monet !
Tandis qu'elles escaladent le petit édifice, je sors l'appareil photo et jette un dernier coup d'œil sur cette église et ce cimetière en pente... Elle a raison ma fille, elle finira par tomber, cette église marine. Doucement, elle retourne à la mer, glisse lentement vers les flots... La mer gagne toujours, grignotant la falaise, vague après vague, saison après saison. Et un jour, ce cimetière sera plus marin que tous les cimetières marins du monde. Définitivement.

Main dans la main, Clara et Julie se dressent dos à la mer. Dans le viseur de mon appareil, comme dans le tableau de Monet, quelques voiles blanches au lointain, sur l'horizon bleu.
- C'est bon ? Vous êtes prêtes ? Alors ayez l'air impressionnistes !
- Hein ? Quoi ?
- Non, rien, souriez...

Où dormir
pas loin

Hôtel de la Terrasse

Situé à Varengeville-sur-Mer, dans l'une des plus belles valleuses de la Côte d'Albâtre, l'hôtel restaurant La Terrasse vous invite à des moments inoubliables dans un dépaysement total.

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